Après un parcours à pas de géant de milliards et de millions d’années dans cette histoire géologique de la Terre, passionnante et tumultueuse, dans laquelle notre espèce Homo Sapiens est apparue il y a 200 000 ans, nous allons essayer de trouver quelques repères dans ce paysage familier mais aussi souvent méconnu.
Cet article a vocation à en faire un décryptage très partiel, un livre n’y suffirait pas, pour donner au lecteur, susceptible de devenir un observateur curieux, quelques clés pour mieux comprendre sa dynamique.
En cela j’ai été aidé par un géologue amateur au cours de plusieurs rencontres et sorties qui ont contribué à donner à ce travail de vulgarisation une base scientifique, forcément très simplifiée. Elle est appuyée également par de nombreuses références trouvées sur Wikipédia et dans des ouvrages de géologues qui se sont intéressés à ce territoire.
Nos paysages actuels résultent de l’époque du carbonifère où les continents étaient rassemblés en un seul, la Pangée, où le Jarez était en zone équatoriale.
Il est difficile d’imaginer le Jarez à cette période de l’histoire géologique car le Massif Central était alors une chaine comparable à l’Himalaya actuel. Nos Monts du Lyonnais culminaient à plus de 3 000m et leur érosion a comblé la faille du Pilat ouverte il y a 295 Ma et sa profonde vallée. Pour plus de détails se référer à l’article https://racines-en-jarez.fr/geologie-du-jarez-du-carbonifere-a-nos-jours/.
Aussi l’image de « berceau suspendu », pour illustrer la forme de cette vaste combe, a une vocation plus poétique que géologique. Elle reflète cependant assez bien un territoire relativement à l’abri des montagnes et reliant la vallée du Rhône à celle de la Loire. Ce relief se prolonge sous les Monts du Lyonnais à l’Est pour en faire un territoire propre à l’agriculture, bien irrigué par le réseau hydrographique issu du relief environnant. Il perdra ce caractère naturel et rural à partir du 18ème siècle pour laisser une large place à l’industrie puis à une urbanisation envahissante.
Le Jarez au sens d’Alain et Joël Faucoup (https://racines-en-jarez.fr/introduction-a-la-geologie-du-jarez/) s’éloigne quelque peu de sa racine étymologique, « le Gier » pour des raisons historiques car il englobe le Plateau Mornantais et les contreforts Est des monts du Lyonnais, délimités par le Garon qui se jette dans le Rhône à Givors, tout comme le Gier.
La vallée du Garon associée à celle de l’Yzeron a pour origine une faille Nord Sud de Tassin-la-Demi-Lune à Givors. Ce relief pourrait faire penser que la Saône aurait pu rejoindre le Rhône à Givors et non pas à Lyon. Les travaux de Louis David[1] démontrent que non. Par contre ces vallées ont été le déversoir des moraines et alluvions fluvio-glaciaires lors de la dernière glaciation, la Würm, entre 115 000 et 11 700 ans avant notre ère. La région lyonnaise et probablement les bords Est du Plateau Mornantais étaient couverts par le glacier du Rhône faisant bloc avec la calotte jurassienne ou par les glaciers plus modestes du Massif Central. Le glacier lyonnais évoluant vers l’Ouest et le Sud a comblé les vallées de l’Yzeron, du Garon et du Rhône. Ainsi les carrières du Garon puisent dans ce matériau glaciaire.
Quatre zones géologiques principales déterminent les paysages du Jarez
Schéma avec Géoportail
Ces quatre secteurs se détachent clairement sur le plan géographique mais aussi géologique . En effet les roches, bien que de consistance granitique, sont très différentes :
- La vallée du Gier et ses coteaux schisteux.
Le Gier prend sa source à la Jasserie au pied du sommet du massif du Pilat, le Crêt de la Perdrix qui culmine à 1 434m. Elle structure les paysages jusqu’à Givors et ses nombreux affluents en arêtes de poisson découpent profondément ses coteaux.
Sur la rive droite le Dorlay et le Couzon, avec des vastes bassins versants accrochés au massif du Pilat, sont les châteaux d’eau de la vallée.
Sur la rive gauche, des profondes vallées de la Durèze et du Bozançon il reste les ruisseaux actuels plus modestes qu’à leur origine. Elles ont cependant causé quelques soucis aux ingénieurs romains en charge de construire l’aqueduc du Gier au 2ème siècle de notre ère.
Dans cette zone, « assise » sur le charbon, le micaschiste domine avec des inclusions de quartz blanches, jaunes ou rosées et aussi du grès utilisé dans de nombreuses constructions. - Le Plateau Mornantais granitique.
Enserré entre le Gier, le Garon et à distance du Bozançon, le Plateau « granitique » se distingue du Plateau géographique limité par le même Bozançon. Le relief est marqué moins profondément par des ruisseaux plus modestes. Le granite domine clairement avec de nombreux vestiges de carrières anciennes, à Chassagny notamment, et en activité sous Saint-Andéol-le-Château. On peut voir aussi des vestiges glaciaires. Il est vrai que le couloir de déversement glaciaire du Garon, le Rhône et ses anciens lits ne sont plus très loin ainsi que les glaciers qui les ont précédés. - Les contreforts des Monts du Lyonnais.
Sur les hauteurs des Coteaux du Gier et du Plateau Mornantais, les paysages fortement accidentés ainsi que les nombreux « Crêts » sont la trace de la forte érosion des Monts du Lyonnais où le gneiss est très présent. - Le bassin stéphanois
Il se confond avec le bassin minier avec une géologie qui en résulte. Ce secteur est très urbanisé et marqué par l’exploitation du charbon. Il mériterait une étude spécifique.
Ces limites, objectivement floues, marquent le changement de dominante minéralogique. La réalité est infiniment plus complexe dans cette zone tourmentée qu’est le Jarez.
Les lecteurs désireux d’aller plus loin pourront consulter les ouvrages spécialisés, notamment[2].
La dynamique des roches.
A l’échelle des temps géologiques, c’est-à-dire sur des centaines de millions d’années, le rassurant « plancher des vaches » est en réalité une vaste « purée » agitée, subissant des mouvements gigantesques, du fait de l’érosion et des conditions atmosphériques d’une part et des phénomènes de subduction d’autre part. Ils font s’enfoncer la croûte terrestre dans le manteau pour y subir des conditions extrêmes de pression et de température, redevenir magma et ressortir sous une autre forme.
Pascaline Lepeltier, dans les excellentes références géologiques de son ouvrage, estime ce cycle magmatique entre 10 et 100 millions d’années[3].
Schéma Pascaline Lepeltier
Cette vue d’ensemble donne des repères pour les paysages « naturels » résultant de la roche mère et du réseau hydrographique. L’orientation cardinale, la pluviométrie et aussi l’impact de l’homme avec l’agriculture, l’industrie, l’urbanisation et les voies de communication vont considérablement contribuer aux paysages que nous avons sous les yeux.
Le prochain article sera consacré à la nature des roches sous-jacentes à ces paysages et présentes dans la patrimoine bâti.
[1] Formations glaciaires et fluvio-glaciaires de la Région Lyonnaise. Louis David, Laboratoires de Géologie de la Faculté des Sciences de Lyon 1967
[2] Géologie de la Loire de Georges Vitel, Centre d’Études Foréziennes, publication de l’Université de Saint-Étienne 2001
[3] Mille vignes, penser le vin de demain de Pascaline Lepeltier Éditions Hachette Vins 2022