Le Jarez, lecture géologique des paysages actuels, interprétation des roches et des pierres in situ

Nous arrivons enfin au terme de ce parcours, que nous humains n’avons vécu que pendant quelques secondes à l’échelle des temps géologiques sur un repérage de 24h. C’est en observant ces pierres que nous avons eu envie d’en retrouver l’origine. Nous nous retrouvons donc au point de départ avec quelques réponses.

Nous allons procéder par secteur tels qu’ils ont été définis à l’article (réf).

La vallée du Gier et ses coteaux schisteux

La pierre la plus fréquente est le micaschiste, en couches rectilignes ou courbées, plus ou moins solide. Jusqu’au milieu du 20ème siècle les bâtiments ont été construits avec ce matériau, la plupart du temps sans mortier de chaux ou de ciment. Le résultat est souvent remarquable et bien mis en valeur lorsque les murs ont été rejointés à la chaux.

Photos personnelles

Les paysages sont la plupart du temps structurés par des murs en pierre sèche, notamment dans les coteaux du Bozançon où ils sont particulièrement nombreux. Ces murs trouvent leur origine dans la culture de la vigne très présente ici à proximité des vallées minières et industrielles pour lesquelles le vin était la boisson de base, parfois sous prétexte de potabilité.

La vigne a besoin d’un enracinement profond pour se développer même par temps sec. Aussi, préalablement à la plantation, le champ était miné, c’est à dire retourné sur 50cm minimum  à la barre à mine ou avec des charrues puissantes. Les pierres ainsi extraites étaient stockées en bord de champ puis utilisées pour monter des murs pendant l’hiver.

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Ces murs avaient une vocation de limite de propriété, de soutènement de chemins ou de terrasses (les chaillers en terme local) permettant d’atténuer la pente et de retenir l’eau. Au-delà de leur vocation utilitaire, ces murs mettaient en valeur le savoir-faire de ces paysans-maçons dont ils devaient tirer une grande fierté. De cette émulation est né un art vernaculaire remarquable et digne d’être connu, reconnu et sauvegardé.

La culture de la vigne n’est pas la seule raison qui a motivé l’édification de ces murets. On les trouve aussi dans des secteurs où les pierres ont été regroupées au bord des champs pour réaliser notamment des prés de fauche. C’est le cas au-dessus de Farnay mais aussi sous Saint-André-la-Côte. Ici, le gneiss est le matériau dominant.

Photo personnelle

Une autre pierre se repère facilement car souvent mise en valeur pour son caractère original voire décoratif, ce sont les blocs de quartz métamorphosé appelés « chiens blancs » en langage local, de couleur blanche, jaune ou rosée.  Avant le milieu du siècle dernier elles servaient de minerai pour alimenter les verreries de Rive de Gier.

Photos personnelles

Dans les constructions ou parfois les murs on trouve aussi régulièrement du grès dit houiller car extrait au voisinage des mines de charbon. Ces pierres sont relativement tendres et ont tendance à s’éroder avec les intempéries.

Photos personnelles

On ne peut pas oublier le charbon sous forme de schiste houiller, un peu difficile à trouver car ce minerai a trouvé à s’employer intensivement pendant deux siècles.

Schiste houiller. Galet trouvé au bord du Gier à la hauteur du Rocher Percé., commune de Tartaras. Photo personnelle

Le plateau Mornantais granitique

Sur la D342 en direction de Lyon à partir de Bellevue, le granite apparait significativement dans les anciennes maisons. Cette pierre est issue essentiellement de carrières alors que celles de micaschiste étaient aussi extraites des champs destinés à la vigne ou plus rarement des prairies de fauche. Il se présente sous forme de blocs plus ou moins taillés selon la destination et aussi la richesse des propriétaires de l’époque.

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Le granite émerge parfois sous forme de mégalithes notamment à proximité de la Lande de Chassagny. Certains ont pu voir dans leur alignement des signes de spiritualité d’anciennes civilisations, ce qui n’est pas à écarter. Les géologues parlent de plutons ou grosses masses ovoïdes modelées dans la croûte terrestre et mise au jour suite à l’érosion.

Près de la Roche, D34, Beauvallon

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Une mention particulière sur le granite exploité dans de nombreuses carrières dont il subsiste des vestiges à Chassagny. Cette pierre était extraite pour être taillée et employée dans la construction ou le pavage des rues. Certains résidents du Plateau ont des ancêtres portugais ou italiens venus ici comme carriers ou tailleurs de pierres.

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Enfin des paysages de Chassagny témoignent d’un passé glaciaire possible avec des traces fluvio-glaciaires de quartzites que le glacier lyonnais et sa fonte ont pu laisser dans les vallées de l’Yzeron et du Garon et à proximité (voir article précédent).

Traces fluvio-glaciaires de quartz, Chassagny Commune de Beauvallon. Photo personnelle

Les contreforts des Monts du Lyonnais

Nous avons vu que les Monts du Lyonnais s’élevaient entre les failles du Pilat au Sud-Est, celles de la plaine du Forez au Sud-Ouest, de la Brévenne au Nord-Ouest et de l’Yzeron et du Garon à l’Est, à plus de 3 000 m où le gneiss dominait.

L’érosion a comblé les failles qui l’entouraient dont l’Est du Plateau Mornantais et les vallées de l’Yzeron  et du Garon. Aussi il n’est guère étonnant de retrouver cette roche dans cette zone.

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Cette abondance de gneiss laisse cependant la place à bien des surprises géologiques.

Par exemple la carrière de Riverie, bien connue des passionnés d’escalade, recèle des roches successivement foncées et claires.

Roche de la carrière de Riverie, photos personnelles

La partie claire est constituée de leptynite, une sorte de gneiss. Elle trouve son origine dans la croûte continentale (partie immergée), dont les constituants sont ceux du granite, quartz, feldspath et mica.

La partie très foncée est une amphibolite, roche métamorphique également, qui trouve son origine dans la croûte océanique d’origine basaltique.  Elle est constituée d’amphiboles riches en fer, calcium et magnésium et de feldspaths communs aux granites.

Ces amphibolites se retrouvent également autour de la chapelle de Saint-Vincent à Saint-Laurent-d’Agny. C’est certainement le caractère spectaculaire de ce site qui a inspiré depuis très longtemps les hommes en quête de spiritualité dès l’époque celtique.

La Chapelle Saint-Vincent Saint-Laurent-d’Agny

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Nous arrivons au terme d’un voyage extraordinaire dans l’espace et surtout dans le temps autour du Jarez. Il se repose des tumultes du passé sous un aspect de combe tranquille et de plateau irrigué par des ruisseaux et rivières issues des montagnes environnantes.
J’espère que ce récit aura éveillé votre curiosité, fera davantage parler les paysages et les roches rencontrées lors de vos promenades et aussi vous aura sensibilisé au caractère mouvant et fragile de notre belle planète.

Cet article a 2 commentaires

  1. Adrien

    Bonsoir de passage sur votre carnet de voyage je vous félicite et vous remercie pour vos descriptions précises de notre belle région.Au plaisir de vous lire.

    1. Paul DÉPLAUDE

      Bonsoir
      Merci pour votre aimable commentaire
      Puisque vous habitez Chabanière, vous devriez être intéressé par le projet de l’association Patrimoine en Pays Mornantais « valorisation et sauvegarde du patrimoine rural en pierres sèches ».
      A ce titre nous préparons un évènement sur la géologie qui a abouti à ces pierres qui font partie de notre environnement.
      Si vous voulez en savoir plus, contactez-moi à paul@deplaude.fr
      A bientôt

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