Géologie du Jarez, du carbonifère à nos jours

Au cours des 4 Ga qui ont précédé nous avons vu que les continents ont émergé, puis se sont mis en mouvement sous l’effet des plaques continentales. Cette « respiration » géologique a vu les continents se regrouper puis se disperser à plusieurs reprises.

La Pangée, « mère » de nos continents actuels

La Pangée [i] est issue de ce dernier épisode. Elle s’est formée par la collision des continents dispersés, notamment Gondwana, remontant du Sud et heurtant ceux situés plus au Nord. De ce choc, qui s’est étalé de – 395 Ma à – 280 Ma, soit plus de 100 Ma, est né le massif Hercynien de 5 000 Km de long et de 700 Km de large, du Sud de l’Espagne actuelle jusqu’à l’Oural, dont l’altitude pouvait atteindre 6 000 m. D’ailleurs, les Appalaches à l’Est des États-Unis sont une partie de ce massif qui a subsisté après la dislocation de la Pangée. La partie de la Pangée qui est devenue le Massif Central et le Jarez était en zone équatoriale.

Cette collision a produit les mêmes effets que celle de l’Inde contre l’Asie avec pour conséquence l’érection de l’Himalaya. Ainsi on peut imaginer qu’« il y avait un Everest à Lyon, un Annapurna à Clermont-Ferrand et un Tibet à la place du Bassin parisien ».

« Photo » Pangée

Cette « photographie » s’est dessinée à partir de 300 Ma. Il s’est passé bien des choses depuis, l’érection des Alpes et des Pyrénées, mais aussi l’érosion qui aplanit les reliefs et comble les vallées avec le temps. Pour donner des repères concrets, on peut imaginer que les massifs entourant le Jarez s’érodent de 1mm/an sous l’effet de la pluie et de la pesanteur qui entraine les particules solides toujours plus bas. Au bout de 1 000 ans à ce rythme, l’érosion attend 1 m et au bout d’un Ma 1 000 m.

Ce préalable permet d’introduire la formation du bassin du Jarez à l’époque du Carbonifère.

Le Jarez, un berceau « soutenu » par le massif du Pilat et les Monts du Lyonnais.

La collision continentale exercée par le Sud sur le massif hercynien il y a 295 Ma ouvre une grande faille, dite « faille du Pilat », située sous le massif éponyme côté Gier, orientée Nord-Est Sud-Ouest et parallèle à celle de la Brévenne au NE des Monts du Lyonnais.

Ainsi le Jarez résulte du comblement d’une immense vallée de Givors à Firminy, née de la dite faille. Cet immense plateau, « suspendu » au massif du Pilat d’un côté et aux Monts du Lyonnais de l’autre, pénètre dans le Massif Central et opère une sorte de liaison entre la vallée du Rhône et celle de la Loire.

Les fondateurs du canal de Givors à la Grand-Croix au 18ème siècle, notamment François Zacharie, ont eu l’ambition inachevée de matérialiser cette jonction dite « canal des deux mers », nous le verrons dans un article à venir.

Nous allons nous appuyer sur les publications de Claudius Roux et de Georges Vitel à un peu plus d’un siècle de distance, l’un s’étant intéressé à la géologie des Monts du Lyonnais et l’autre à celle de la Loire en général.

Les Monts du Lyonnais, à l’origine des dépôts sédimentaires du Jarez

Claudius Roux a publié en 1896[ii] une histoire orogénique (dynamique de formation des reliefs) des Monts du Lyonnais dont je vous livre un résumé :

1ère étape : premiers sédiments issus de la croûte terrestre (à partir de 1,7Ga, voir article « Du début de la vie au carbonifère »)

2ème étape : à partir de 500 Ma (le Cambrien) éruption du granit, venu des profondeurs du manteau. C’est aussi le début de la flore terrestre et d’une faune de mollusques et d’animaux à coquilles.

3ème étape : lors du plissement hercynien, à partir de – 395 Ma, émergence de l’anticlinal lyonnais entre les failles du Pilat et de la Brévenne. Il se prolongeait au-delà de Lyon vers l’Est à une altitude de 2 à 3 000 m. Les vallées du Gier et de la Brévenne ont été précédées par des lacs qui se comblent peu à peu pendant le carbonifère.

Photo de l’anticlinal Lyonnais par Claudius Roux

4ème étape : entre 250 (Permien) et 203 Ma (fin du Trias) apparition de failles parallèles à celles évoquées plus haut, comblés de dépôts minéraux, quarts, barytine, fluorine etc., expliqués par des geysers.

5ème étape : pendant l’ère secondaire (250 à 65 Ma), la partie Est de l’anticlinal lyonnais s’affaisse, permettant à la mer de constituer un golfe à l’emplacement de Lyon, des Monts d’Or et du Beaujolais.

6ème étape : l’érection du Massif Alpin se produit pendant le Miocène (à partir de -23 Ma) dans un axe Nord-Sud et engendre de nombreuse failles de la même orientation, créant la vallée du Rhône et celle de la Loire dans le Forez.

7ème étape : le travail d’érosion qui a suivi aboutit aux reliefs actuels

De loin le massif le plus important à proximité de la vallée née de la faille du Pilat, c’est son érosion qui l’a comblée avant et pendant le Carbonifère.

Claudius Roux a fait également une description détaillées des roches présentes dans ce massif et en bordures avec leurs emplacements précis.

Nous y reviendrons en nous inspirant de l’ouvrage plus récent de Georges Vitel[iii], consacré à la géologie de la Loire dans son ensemble.

Le massif du Pilat « nait » de la faille éponyme près de 100 Ma plus tard

Le Pilat est constitué essentiellement d’un socle de gneiss comme celui des Monts du Lyonnais, mais une caractéristique particulière va engendrer beaucoup plus tard un phénomène rare dont il subsiste les chirats.

Parenthèse des chirats

C’était il y a environ 18 000 ans lors du dernier épisode glaciaire sévère du Quaternaire. Un vaste glacier descendait du Nord et s’étendant jusque dans la vallée du Rhône. Il faut dire que depuis le Carbonifère la Pangée s’est disloquée et notre région était située à la même latitude qu’aujourd’hui. Le gneiss du Pilat a une composition particulière qui permet une dislocation caractéristique en gros blocs par alternance de gel et de dégel. Ces blocs ainsi détachés sont charriés par de vastes névés qui donnent aux paysages actuels des chirats un aspect de coulée. Précisions qu’il s’agit d’une hypothèse à confronter à d’autres.

La sédimentation du Jarez alimentée essentiellement par les Monts du Lyonnais

L’histoire du Jarez actuel commence vraiment au Stéphanien, à la fin du carbonifère, il y a 300 Ma. La Pangée est bien installée et notre région est située en zone équatoriale. Le climat est chaud et humide, le taux de CO² est 30 fois celui du 19ème siècle. Tous ces paramètres sont très favorables au développement végétal. Il n’y a pas encore de plantes à fleurs, mais le sol est couvert d’une végétation luxuriante et épaisse de cryptogames vasculaires très riches en lignine[iv]. On peut citer les lépidodendrons (photo), arbres de 40 m de haut, des calamites (photo), proches de prêles d’une hauteur d’une dizaine de mètres, les fougères arborescentes, les premiers conifères, les Cordaitales et aussi des fougères à graines, les Ptéridospermales.

Calamite

La faille du Pilat a ouvert une vallée profonde pouvant atteindre 3 000 m actuels au niveau de Saint-Étienne, se comblant rapidement du fait de l’érosion des massifs voisins (les Monts du Lyonnais pour le Jarez) sous un climat tropical. Cette dépression constituait un lac peu profond dans lequel cette végétation pouvait prospérer et s’accumuler sans se décomposer du fait que les bactéries, champignons et animaux ne savaient pas digérer la lignine.

La transformation des végétaux en charbon a pris fin lorsque le climat est devenu plus sec du fait d’un refroidissent général et de l’apparition de champignons et autres organismes lignivores capables de décomposer cette végétation.

C’est ainsi que des dépôts de charbon se sont constitués à proximité des vallées du Gier et de l’Ondaine et dans le bassin stéphanois. L’exploitation du charbon à partir du 17ème siècle aura une influence considérable sur l’histoire économique et sociale du Jarez, nous y reviendrons.

Ainsi se termine ce parcours géologique depuis l‘origine de l’univers. Si le Jarez a pris naissance il y a 400 millions années, la Terre a connu auparavant et après nombre de bouleversements pour arriver à la relative stabilité que nous connaissons aujourd’hui.

Il apparait que le climat est la résultante à la fois de phénomènes d’accumulation sur le très long terme dans lesquels la vie a sa part, notamment la crise de l’azote citée au précédent article, et aussi d’épisodes brutaux tels la chute d’énormes météorites ou un volcanismes particulièrement violent.

Dans le dernier article consacré à la géologie du Jarez nous tenterons de retrouver dans nos paysages actuels des traces de ces évolutions.


[i] https://fr.wikipedia.org/wiki/Orogen%C3%A8se_varisque

[ii] Etudes géologiques sur les Monts du Lyonnais, 3ème partie, Claudius ROUX, 1896

[iii] Georges Vitel, Géologie de la Loire, publication de l’université de Saint-Etienne 2001 (ouvrage en réédition)

[iv] https://fr.wikipedia.org/wiki/Carbonif%C3%A8re

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