Les acteurs du projet de pose d’un vitrail dans l’église de Tartaras au tournant du 19ème siècle étaient à la fois animés de motivations religieuses et sociales. Pour Marie Déplaude épouse Girard, les raisons qui font pencher la balance vers une motivation pieuse semblent dominer. L’enracinement religieux de Claude est loin d’être absent, en témoigne l’engagement de sa génération précédente pour construire un patrimoine religieux impressionnant à Saint-Joseph au milieu du 19ème siècle. Cependant Claude et Jeanne vont renforcer leur emprunte sur la commune de Tartaras.
Non contents d’acheter cette ferme en 1892 alors que l’ainé de leurs garçons, Jean-Antoine, avait 19 ans et que le suivant Joseph, mon grand-père, n’avait que 14 ans, Claude et Jeanne vont étendre leur influence sur Murigneux de manière décisive.
En 1899 leur fille, Marie-Antoinette, épouse à 27 ans Jean-Pierre Morel, agriculteur à Murigneux et fils de l’autre Jean-Pierre Morel cité plus haut. Sa mère et sa belle-sœur s’appelaient toutes les deux Christine Rivory, de quoi s’y perdre avec les homonymes. On ne sait pas précisément comment les mariages se nouaient à l’époque, mais outre les liens familiaux préexistants, la ferme de Jean-Pierre Morel était de loin la plus importante de Murigneux voire de la commune de Tartaras.
Cette acquisition de la ferme de Murigneux témoigne du statut de paysan aisé de Claude, de son ambition pour sa famille et aussi de son talent de stratège.
Le moment est venu de relativiser le rôle et surtout les mérites des hommes à cette époque, relevant davantage d’un statut social que de la réalité. En effet, au regard des observations généalogiques et patrimoniales, l’homme apparait toujours porteur de la destinée familiale parce qu’il s’appuie sur une autorité légale. Les femmes ont dû attendre 1944 pour que le droit de voter et de se présenter aux élections leur soit accordé, 1965 pour obtenir le droit de gérer leurs biens propres et d’exercer une activité professionnelle sans le consentement de leur mari, 1970 pour exercer l’autorité parentale à l’égal de leur époux et 1985 pour être l’égale de leur mari dans la gestion des biens de la famille.
Il est cependant très probable que les femmes et épouses avaient leur mot à dire au quotidien et pour les décisions importantes. En effet elles avaient en charge une famille souvent nombreuse tout en étant sollicitées ponctuellement ou régulièrement pour les travaux dans les champs. Elles étaient indispensables à tel point que lorsqu’elles décédaient en couches, leur époux ne tardait pas à en trouver une nouvelle.
Claude et son épouse Jeanne, ce couple issu de la terre depuis plusieurs générations, étaient déterminés à offrir des perspectives semblables à leurs enfants. D’ailleurs, leurs deux autres garçons se sont partagé la ferme de Milissieux à Saint-Joseph et leur fille ainée a épousé un agriculteur d’un village voisin, Saint-Maurice-sur-Dargoire.
Cet ancrage rural allait de pair avec une pratique religieuse bien établie comme cela était souvent le cas dans les coteaux du Gier. Cette pratique était certainement ancrée dans l’histoire locale récente à laquelle la famille Déplaude a largement contribué : la construction d’une église dédiée à Saint-Joseph en 1855, d’une école tenue par des religieuses en 1856, d’un presbytère en 1857 et de la chapelle de Chagneux dédiée à la Vierge en 1890.
Ils voulaient aussi probablement donner à leurs enfants installés à Murigneux toutes les chances de se faire admettre et reconnaitre dans les meilleures conditions.
C’est donc une combinaison de motivations religieuses et sociales qui ont poussé les familles Déplaude, Claude et Jeanne d’un part, Marie épouse Girard de l’autre, à se lancer dans cette aventure. L’inscription du nom sur le vitrail donne du poids à la seconde motivation, ce qui n’est pas le cas de celui de la chapelle de gauche représentant l’Annonciation, offert en 1883 par un ou des donateurs anonymes, toujours selon l’inventaire de 1906.
Il reste à éclaircir pourquoi l’existence de ce vitrail est demeurée enfouie et oubliée dans la mémoire de la génération qui m’a précédé.
Cette belle histoire m’a donné envie de mieux connaitre ce couple ambitieux, Claude Déplaude et son épouse Jeanne Vial. Ils étaient cultivateurs à Milissieux, commune de Saint-Joseph, où Ils ont vécu une grande partie du 19ème siècle (1832-1927).
Une histoire qui ouvre des horizons, telle est le sens de la « pierre d’achoppement ». Elle a fait le titre de cet article en pensant au facteur Cheval. La pierre sur laquelle il avait trébuché au cours d’une de ses tournées de facteur a été le point de départ de l’aventure personnelle qu’on connait http://www.facteurcheval.com/ et https://fr.wikipedia.org/wiki/Ferdinand_Cheval