La « pierre » d’achoppement 2ème partie

L’article précédent racontait la (re)découverte d’un vitrail installé dans l’église de Tartaras, offert par les « FAMILLES DEPLAUDE » au tout début du 20ème siècle. Parmi les donateurs apparait le nom de Girard associé à Marie Déplaude.

Ainsi nous allons poursuivre temporairement cette piste familiale porteuse d’enseignements sur les hasards ou nécessités des unions et aussi sur les ambitions et les stratégies de nos ancêtres terriens.

Marie Déplaude est originaire de la Roussillière, hameau de la commune de Saint-Maurice-sur-Dargoire  qui fait face à celle de Saint-Joseph dont il est séparé par la vallée du Bozançon. Elle épouse en 1880, à 23 ans, Philibert Antoine Girard, 27 ans, propriétaire cultivateur au village de Tartaras. Ce n’est pas un inconnu pour Marie car il est le neveu de la première épouse de son père. Il n’est sans doute pas anodin de préciser que Philibert est aussi le cousin germain de Jean-Baptiste Girard, maire de la commune de Tartaras en 1900.

Cette histoire montre à la fois les liens tissés depuis 70 ans entre les deux familles et aussi le statut social de la famille Girard, soucieuse sans doute de laisser une trace dans l’histoire du village.

Arbre montrant les liens entre les « FAMILLES DEPLAUDE » notées sur le vitrail

Parmi les proches de Marie plusieurs ont pour prénom « Antoine », son premier mari Philibert Antoine, les parents de ce dernier, Antoine et Marie Antoinette, et enfin son second mari Jean Antoine Assada. Faut-il y voir une dévotion familiale pour ce saint au point de le choisir comme thème du vitrail ?

L’iconographie de ce vitrail représente en effet Saint Antoine de Padoue, né en 1195 à Lisbonne d’une famille noble et militaire. Après avoir rejoint l’ordre franciscain, il se fait repérer par sa connaissance des écritures et ses talents de prédicateur qui l‘emmènent auprès du pape. Il meurt à 36 ans à Padoue, République de Venise. A partir du 17ème siècle il est invoqué pour retrouver des objets perdus, recouvrer la santé et exaucer un vœu. (Source Wikipédia)

L’atelier lyonnais Nicod et Jubin l’a représenté de manière traditionnelle, revêtu de la robe de bure franciscaine nouée de trois nœuds, portant l’enfant Jésus sur son bras droit et tenant une plume et un chapelet de la main gauche.

Vitrail installé autour de1900 dans la chapelle Saint-Joseph, église de Tartaras

On entrevoit ainsi la contribution probable de Marie Déplaude au projet de vitrail. Le sort s’était acharné sur son père François et sa première épouse, décédée après avoir perdu quatre enfants sur les cinq nés de leur union. Marie a également perdu son époux, âgé de 37 ans, après neuf ans de vie commune. Les malheurs se sont donc succédés autour d’elle. Il y avait sans doute là matière à invoquer Saint Antoine de Padoue.

Après avoir tenté de comprendre les raisons qui ont pu pousser Marie Déplaude/Girard à contribuer à ce projet de vitrail, il reste à explorer les motivations de l’autre branche de la famille Déplaude.

Mon  grand-père paternel Joseph est le fils de Claude Déplaude  (1832–1911), originaire de Saint-Joseph et de Jeanne Vial (1844–1927) née à Dargoire. Claude est un descendant d’une lignée locale remontant à la fin du 16ème siècle et sans doute avant. En effet, les registres paroissiaux ont été institués par l’ordonnance de Villers-Cotterêts en 1563 sous François 1er pour enregistrer les naissances. Ceux recensant les mariages et les décès ont dû attendre l’ordonnance de Blois sous Henri III en 1579.

Les générations  se sont succédé là de manière constante, vivant de la terre à l’exception d’un charpentier dont l’un des fils, mon aïeul, s’est empressé de retourner dans les champs.

Joseph  a épousé Christine Rivory en 1907. Il s’est installé à Murigneux, hameau de la commune de Tartaras, dans la ferme achetée par son père Claude début 1892. Elle lui avait été attribuée suite au partage des biens de ses parents en 1906.

Cette propriété faisait partie d’un domaine plus vaste comprenant une maison bourgeoise, dotée d’un chai magnifique et d’immenses caves en sous-sol, devenue Maison Familiale Rurale jusqu’en 2018. Cette propriété avait été achetée en 1856 par Jean-François Magloire-Mortier, ancien percepteur à Rive de Gier et certainement fortuné par ailleurs. Ces biens ont transité par successions jusqu’à notamment Marcel François Louis Pacros, représentant des fonderies de Pont à Mousson et demeurant à Lyon.

Le chai de la propriété Pacros devenue Maison Familiale Rurale

Un grand et très beau mur de pierre de schiste de 3.5 m de haut a été construit pour séparer la maison bourgeoise des bâtiments de la ferme. C’était une propriété magnifique pour l’époque, avec une surface importante de terres attenantes aux bâtiments.

La ferme Déplaude à Murigneux, commune de Tartaras, issue du partage de la propriété Pacros

Le désir de savoir comment cette affaire avait pu se réaliser vient tout de suite à l’esprit. Des liens familiaux s’étaient tissés en amont de cette acquisition. L’épouse de Claude Déplaude est née Vial, fille de Anne Donnat originaire d’Ampuis, commune située sur la rive gauche du Rhône, face à Vienne. La sœur d’Anne, Jeanne, a épousé vers 1838  un Rivory de Tupins-et-Semons, commune voisine d’Ampuis, dont la fille Christine a épousé en 1861 Jean-Pierre Morel de Murigneux. Leur fils a épousé en 1899 Marie-Antoinette, une sœur de mon grand-père.

On était donc entre cousins, ce qui pouvait faciliter le repérage des opportunités.  Cette proximité facilitait aussi les mariages puisque l’épouse de Jean-Pierre Morel était la tante de Christine Rivory, épouse de mon grand-père.

Cet enchevêtrement de liens de sang se retrouve très souvent dans mes branches familiales et plus généralement dans ces familles vivant de la terre.  Elles trouvent leur destin matrimonial parmi les liens déjà établis et à une distance correspondant à la lenteur des moyens de déplacements au 19ème siècle, que ce soit à pied, à cheval ou à dos de mulet.

Nous verrons dons le prochain article que l’acquisition de la ferme de Murigneux n’est pas le seul acte du couple ambitieux formé par Claude et Jeanne.

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